Les mots :
élégance – prestance – raffinement – cruauté – barbarie – orgue – cathédrale – gargouille – gouttière – pluie – mousson – alizés – moiteur – douce – laine
La consigne facultative :
commencer le texte par la lettre A et le terminer par la lettre Z.
Alors qu’il s”élance dans les airs, il repense à la cruauté de la vie. Lui qui n’a aucune élégance naturelle, lui que le surnom de gargouille poursuit depuis toujours, lui que les autres garçons moquaient et que les filles fuyaient, lui retrouve toute sa prestance dès qu’il touche son trapèze. Il est aujourd’hui le point d’orgue du spectacle. Sous la grande cathédrale de toile où il officie tous les soirs, tous les yeux sont fixés sur lui, pas un regard ne se détourne. Au contraire, tous le suivent attentivement, avidement même. Ils admirent la grâce de ses figures, l’audace de ses enchainements, le raffinement de son balai aérien.
Quand il vole, il se prend pour un oiseau, il oublie tout de la barbarie des hommes. Quand retentissent les applaudissements, douce musique à ses oreilles, il se sent enfin faire parti de l’humanité. Cette humanité dont il s’est toujours senti exclu à cause de son physique ingrat.
La pluie crépite sur le chapiteau. Debout sur la plateforme du plus grand mat il aperçoit une gouttière qui se forme.
– Il faudra que j’en parle au régisseur songe-t’il avant de s’élancer.
Si près du sommet la chaleur des projecteurs se transforme en moiteur digne de la saison des moussons de quelque pays tropical. Il profite pleinement des ses instants. Il sait que les alizés de la gloire ne souffleront pas éternellement et qu’il lui faudra bientôt regagner le sol.
Une fois sur la terre des hommes, il rejoindra sa loge. Il se changera. Et puis il l’attendra. C’est elle qui l’a contacté sur sa page Facebook, sa page professionnelle bien entendu, de page personnelle il n’en a pas. Ils ont discuté, un peu puis convenu de ce rendez-vous. Du lycée, elle est la seule dont il garde un souvenir précis. Tous les autres se confondent en un amalgame de moqueries et d’indifférence. Elle était la seule à ne pas l’avoir rejeté, à lui adresser la parole même si ce n’était qu’un “bonjour-bonsoir”. Elle n’avait jamais osé aller plus loin. Il ne lui en avait pas voulu. Si lui aussi avait été accepté par les autres, aurait-il eu la force et le courage d’aller conte le groupe vers le paria de la classe ? Il en doutait sérieusement.
Mais après toutes ces années, elle avait enfin franchi le pas. Ce soir, elle sera là et elle lui parlera. Portera-t’elle encore son éternelle écharpe de laine rouge ? Saura-t’il soutenir son incroyable regard noisette ? Les questions se bousculent dans sa tête. Au moment où ses pieds rejoigent le sol, il ne pense qu’à ce moment où les coups retentiront à sa porte et où il lui dira :
– Entrez…
MCL says:
22 March 2014 at 12 h 21
Elle est belle l’histoire de ce trapéziste qui, malgré son physique ingrat, attire tous les regards le temps d’un spectacle. Une fin heureuse se profile, une fin amplement méritée…
NAd says:
26 March 2014 at 22 h 17
Merci. Il prend sa revanche quand il est là-haut et j’espère bien qu’il saura être heureux maintenant. Je le laisse vivre sa vie…
Biancat says:
22 March 2014 at 12 h 25
Ce personnage est très touchant, un peu une sorte de Quasimodo attendant son Esmeralda. Ton écriture est très délicate et on pourrait presque entendre son coeur qui battra juste avant qu’elle n’arrive… Bravo.
NAd says:
26 March 2014 at 22 h 36
Merci, c’est vrai qu’il fait penser à Quasimodo mais j’espère bien qu’il finira mieux que lui !
Pierre Forest says:
22 March 2014 at 13 h 08
J’aime ces histoires qui me téléportent dans la tête d’un autre. Bravo, bien réussi.
NAd says:
26 March 2014 at 22 h 37
Merci. Ce n’est pas toujours facile de se mettre dans la tête des autres mais ça permet souvent de mieux les comprendre.
Jacou says:
22 March 2014 at 13 h 38
J’ai aussi pensé à Quasimodo. Histoire touchante, leçon de tolérance pour les différences; et peut-être une histoire d’amour. J’aime beaucoup.
NAd says:
26 March 2014 at 22 h 41
Je n’y avais pas vraiment pensé au début, c’est en écrivant que je me suis rendue compte du parallèle.
Ghislaine says:
22 March 2014 at 15 h 16
ah moi aussi j’ai révé souvent d’être un oiseau………
NAd says:
26 March 2014 at 22 h 42
Moi pas trop, j’ai peur du vide
Olivia Billington says:
22 March 2014 at 16 h 10
Il est touchant, cet homme. j’espère qu’après le entrez, la vie lui sera belle…
NAd says:
26 March 2014 at 22 h 43
Je ne sais pas si la vie lui sera belle. C’est à chacun d’imaginer sa suite