Le jour se lève à peine mais il fait déjà clair dans la chambre. Manuel sort paresseusement le nez de sous sa couette mais y replonge aussi sec capitulant devant le froid. L’insistance de son réveil finit par le forcer à se lever et se trainer péniblement jusqu’à la salle de bain.
– Encore un jeudi matin comme un autre, une journée ordinaire dans une vie ordinaire… Vivement le week-end, pense-t’il en s’examinant dans le miroir.
Après un solide petit déjeuner, il sort de chez lui pour se rendre au travail. La pureté limpide de l’air ne lui dit rien qui vaille. Et en effet ses craintes se confirment. Lorsqu’il arrive à sa voiture, celle-ci est entièrement recouverte de glace.
– Bon, ce n’est pas encore ce matin que je serais en avance au boutot se dit-il avec résignation.
Une fois la portière décollée, il s’installe au volant pour mettre le moteur en route et faire dégeler la voiture. Il se penche vers la boite à gants pour y chercher sa raclette quand une lumière diaphane venue du pare-brise retient son attention. C’est un rayon de soleil qui perce à travers la glace. Le dégivrage à déjà commencé son œuvre, un petit rond plus clair grandit doucement. Le soleil qui passe à travers éclaire les bords et forme une couronne de diamants. Saisi, il s’arrête pour admirer le spectacle.
– Ce n’est peut-être pas une journée si ordinaire songe-t’il alors.
Le pare-brise dégivré et le sourire au lèvre, il peut enfin partir. Les dieux de la circulation sont avec lui et les feux de signalisation verdissent sur son passage. Il arrive finalement à l’heure à l’atelier.
Le midi il se dépêche de sortir, il y a une collecte de sang dans la galerie du centre commercial et ça fait un moment qu’il n’a pas donné. L’infirmière qui s’occupe de lui et plutôt mignonne. Il entame la conversation pendant qu’elle lui plante l’aiguille dans le bras avec art.
– Génial, je n’ai presque rien senti ! Je reviendrai, lui dit-il avec le sourire. Puis en son for intérieur
– Finalement, c’est plutôt une journée extraordinaire dans ma vie ordinaire.
– J’y compte bien. Vous savez, chaque don c’est une vie sauvée.
– C’est vrai….je n’avais jamais à ça comme ça…
De retour au boulot, l’après-midi s’écoule tranquillement. Il est déjà l’heure de rentrer. Sur le trajet du retour les dieux de la circulation semblent l’avoir oublié mais il ne le remarque même pas. C’est une journée extraordinaire après tout !
Il dine tranquillement devant les infos puis va se coucher directement. Mine de rien, se faire pomper presque un demi-litre de sang ça fatigue !
Dans son lit il repense à ce que lui a dit l’infirmière “Un don, c’est une vie” Aujourd’hui il a sauvé une vie ! Et il continue d’y penser : ça fait dix ans qu’il donne son sang une à deux fois par an. Le calcul est simple, entre dix et vingt vies qu’il a sauvées. Et ça, sans compter ceux du boulot qu’il a convaincu de donner aussi. Voilà qui est vraiment extraordinaire !
– Une journée extraordinaire dans une vie extraordinaire s’étonne-t’il en s’endormant.